De quoi rêvent les martyrs ?

« Un regard sur le soulèvement tunisien. C’est est un regard sur un monde qui a perdu son centre et qui essaie artificiellement d’ordonner et d’unifier ses morceaux. » C’est ainsi que Nidhal Chamekh présente son projet De quoi rêvent les martyrs ? basé sur des texte du philosophe et poète tunisien Slah Daoudi.

Nidhal Chamekh est né dans la ville de Dahmani et habite en ce moment à Paris où il effectue un doctorat à la Sorbonne. Ses parents étaient des activistes et l’on encouragé depuis très petit à s’exprimer à travers l’art. Il a effectué sa première exposition à l’âge de 12 ans. L’année dernière, Nidhal a commencé à travailler sur une série dédiée aux martyrs de la révolution tunisienne.  Mashallah s’est entretenu avec Nidhal à propos de son travail artistique.

Pouvez-vous vous présenter ?

Nidhal Chamekh, “plasticien” et dessinateur essentiellement, je suis né à Dahmani, une ville de l’ouest de la Tunisie, diplômé des Beaux-Arts de Tunis et doctorant en Arts Plastiques à la Sorbonne. Je vis et travailles actuellement à Paris.

Vous traitez de votre enfance à Tunis, d’avoir grandi dans une famille d’activistes. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Les familles de mes parents étaient déjà engagées dans les luttes sociales et syndicales, ainsi que pour l’indépendance, aussi bien mes grand pères et mes grands mères que mes oncles. Tout mon entourage familial baignait dans ce monde. C’était donc naturel pour mes parents de prendre le même chemin de lutte. Mon père, plus radical, a choisi la clandestinité, et fut emprisonné plusieurs fois, sous Bourguiba et sous Ben Ali. Ma mère, enseignante, a agi au sein de son syndicat depuis des années. Ceci dit, les deux se sont engagés sans s’exposer aux “lumières” médiatiques … je garde surtout cette impression.

Vous mentionnez aussi qu’ils étaient persécutés. Comment était cette expérience pour un enfant ?

Personnellement, je n’ai jamais senti un réel danger. J’étais toujours bien entouré, souvent comblée même dans les moments les plus durs. Ma mère a su nous protéger pendant l’absence de mon père, son emprisonnement et durant toutes ces années difficiles, où nous étions sous surveillance continue. Je garde surtout des images de la condamnation de mon père et des visites effectuées dans les prisons lointaines … 

Est-ce que votre art est une d’activisme ? A l’image de l’engagement de vos parent ?

Cela dépend de ce qu’on veut dire par « activisme ». L’activisme, pensé et formulé en tant que spécialité séparée du reste des choses de la vie ne m’a jamais intéressé. Je penche plutôt pour le travail de dépassement de l’artistique et du politique, qui ne se réduira dans aucune et puisera dans les deux en même temps. L’activisme, je l’ai vécu dans des actes quotidiens, en tant que manière de vivre et comme forme de résistance en générale.

Vous habitez et travaillez maintenant à Paris, quel rôle tient la Tunisie dans votre art ?

Je suis arrivé à Paris en 2008 essentiellement pour continuer mes études supérieurs. J’ai décroché une bourse d’études à la fin de mon cursus aux Beaux-Arts de Tunis, sans cela je ne me voyais pas dépasser les frontières. Cela m’a permis aussi de pouvoir observer les chefs-d’oeuvre en dehors des rares livres disponibles à Tunis.

Je ne voyais pas en quoi le pays, cette entité homogénéisée, pourrait influencer mon travail. C’est un amas de choses culturelles, sensationnelles, mémorielles que j’ai fatalement acquis en Tunisie, que je nourris au rythme des diverses rencontres et dans lequel je continue à puiser. Je n’ai rien inventé, on a souvent dit que l’étrangeté du monde ne peut être saisi qu’en étant étranger.

Avez-vous immédiatement travaillé sur la révolution ou c’est venu plus tard ?

Cela est venu un an après, j’avais d’autres choses à faire, qui ne sont ni de l’art ni de la politique d’ailleurs. Je pense que l’art, même dans sa formation la plus effective, reste une promesse à venir, une promesse utopique. Mais à ce moment là, l’utopie était là, elle flirtait avec l’actuel, l’art et la politique étaient devancées par le présent. Il n’y avait plus ni art ni politique. Toute forme antérieure, séparée, paraissait caduque. Les individus comme les masses agissaient immédiatement sur leur présent, changeaient effectivement leur quotidien, réalisaient directement leur histoire.

Le projet est basé sur les écrits de Slah Daoudi, est-ce que vous pourriez nous parler de lui ? Comment avez-vous utilisé ses texte?

Je ne connaissais pas les écrits de Slah Daoudi avant le mouvement révolutionnaire. J’ai connu la personne en premier, parmi les militants des années Ben Ali et puis durant les évènements de 2011. Ce qui m’intéresse en lui c’est au moins trois choses inséparables.

D’abord son attitude, et précisément quand je l’ai vu à l’aube de la révolution marcher dans les rues de Tunis, devenues agoras, en distribuant des fragments de textes philosophiques. J’ai appris ensuite à le connaître plus profondément, notamment sa rigueur et son aspect pointilleux quant aux concepts. Puis j’ai été marqué par sa production, qui est plutôt éclatée, mariant poésie et philosophie, traductions et textes politiques. Enfin j’apprécie l’intérêt qu’il porte dans ses textes à l’idée du Martyr.

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