Palestine: 24 heures, cœur de Jaffa

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The war is in the media

La guerre est dans les médias. La guerre serait-elle invisible ? La guerre est dans ma gorge, mon larynx. De manière psychosomatique, une toux infernale m’a prise quelques jours avant le départ. De manière psychosomatique, la gorge semble vouloir rejeter une peur de l’inconnu malgré ma plénitude et douce sérénité. La toux a trouvé confort dans le creux de ma poitrine et a décidé, elle aussi, de voir un peu du pays.

« Leïla » elle crie, « Leïla ».

48 heures seulement, depuis mon arrivée, que je n’en avais dormi que deux et je tiens invraisemblablement debout jusqu’à trop tard dans la nuit. Les trois femmes d’âges mûrs, étendues dans les petits lits du dortoir de l’auberge, n’ont pas pu fermer l’œil. Une toux insupportablement sonore les a maintenus éveillées de 3 à 4, ou de 4 à 5… tôt, ce matin. Malgré les apparences, ce n’est pas la chaleur étouffante qui a entravé leur sommeil. De manière psychosomatique je n’ai pas voulu me soigner jusqu’à sentir, qu’à leur place, je me serais détestée.

« Leïla » elle crie, « Leïla ».

Le bus, prendre le bus. Jusqu’à Jérusalem. Les femmes pourront dormir ce soir. La tornade de la nuit est partie.  Puis prendre le tram. Se souvenir du « roof top » de l’hôtel, dont la vue imprenable sur Jaffa pousse à l’inspiration bleutée. Prendre un ticket, le sac trop lourd, gravant sa pâte dans le creux de l’épaule. Jérusalem dont je n’ai le temps de voir que des brides, des bouts de phrases, des mots. Je reviendrai te lire, ce n’était que ta bande annonce. Puis prendre un autre bus pour Bethléem.

La guerre est dans les médias. La guerre serait-elle invisible ? Même le mur semble moins haut, moins large, moins piteux. Quand est-on rentré en Cisjordanie, en Palestine ? Rien n’indique, je suis perdue, les frontières semblent impalpables.

« Leïla » elle crie, « Leïla ».

On dirait le Mont Liban. Je voudrai qu’ils puissent venir et voir que ça ressemble à chez eux. Que finalement, seulement quelques kilomètres les séparent. « Marhaba ». Un mot qui rassure. Douce langue de l’arabe, tu sembles si familière. Il faut prendre le taxi. Se rendre  au checkpoint.

« Where ? Which house ? »

« I don’t know. I will find. Don’t worry. »

the war is in the media 2

Leïla m’accueille dans sa maison. « Leïla » elle crie, « Leïla ». Dans sa robe rose, elle ne doit pas avoir plus de quatre ans et tourne autour de la femme qui m’accueille. Quelques mots d’arabe — il faut vraiment que j’en apprenne plus — et Leïla m’invite à rester à manger. En français elle me raconte sa maison en réparation et puis la vie de sa mère malade depuis la mort de son mari. Elle pleure presque. Puis elle sourit, puis elle range, puis elle me conte ses mésaventures à l’aéroport d’Istanbul.

La guerre est dans les médias. La guerre serait-elle invisible ? J’ai envie de leur dire, à vous, aux autres, à eux que je n’ai pas peur, que je ne vois pas la mort, que je ne vois rien de rouge, de pleure et d’effrayant. Moins de 24 heures au cœur de Jaffa et déjà, israéliens, juifs et arabes d’Israël, rencontrés autours d’un verre, transpirent ce besoin de casser avec cet affreux portrait tâché d’une mensonge peinture dans nos presses lucratives.

La guerre est dans les médias. La guerre serait-elle invisible ?

« Leïla » elle crie, « Leïla », encore, toujours… et elle dance.

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