Un arbre terroriste

Rights & dissent

Il est 11 heures du matin. Aujourd’hui, dans les rues de Paris, le soleil n’est pas très clément. Le ciel semble pleurer face à la folie de ce monde. Le week-end fut délicieux, mais aujourd’hui le ciel doit pleurer. Il est déjà 11 heures et je ne veux pas me lever. Je ne veux pas affronter la pluie, les larmes des arbres, les larmes de la nature brisée par la démence humaine.

Daoud Nassar m’écrit à moi, à nous, à tous ceux qui pourront entendre son cri. Ce fermier palestinien possède le « Vignoble de Daher » : une ferme biologique, située dans les vallées du sud-ouest de Bethléem en Palestine. Je connais ce lieu. J’y suis restée, j’y ai vécu et travaillé. Daoud et sa famille, soutenus par de nombreux volontaires de multiples pays, travaillent et agissent dans la paix, la compréhension et la réconciliation, jour après jour, pour faire vivre leur terre. Dans la ferme, personne n’est ennemi. Ils refusent tout bonnement cette idée. Les Nassar refusent de s’apitoyer sur leur sort malgré le fait qu’ils n’ont pas d’eau courante, pas d’électricité (ils ont dû mettre des panneaux solaires) et aucune route directe reliant Bethléem à leur ferme (la route principale est bloquée par un barrage de pierres construit par l’armée israélienne en 2002). La ferme des Nassar est un souffle d’espoir et un pont entre les nations.

Cependant, malgré leur action pacifique et leur droit à cultiver leur propre terre (ils possèdent les titres de propriété du temps des gouvernements ottoman, anglais et jordanien) ; lundi 19 mai, à 8 heures du matin, l’armée israélienne a décidé que les 1500 arbres fruitiers plantés par les Nassar devaient, à présent, être anéantis.

« Les bulldozers israéliens sont arrivés dans la vallée de la ferme où nous avions planté des arbres fruitiers 10 ans auparavant. Ils y ont détruit les terrasses et tous les arbres. Plus de 1500 abricotiers et pommiers, ainsi que les vignes, ont été anéantis et détruits. Nous avons informé notre avocat qui prépare les papiers pour faire appel. »

(Extrait de l’email envoyé par Daoud le 20 mai 2014).

Aujourd’hui, selon les Forces de Défense Israélienne (IDF), si vous être un arbre qui pousse sur une terre non approuvée par l’armée ou par les colons, vous serez qualifié de hors-la-loi, vous serez un être vivant qui ne mérite pas de vivre. Aujourd’hui, les Forces Israéliennes n’ont pas besoin de passer par le tribunal pour vous condamner. Le tribunal est un bulldozer.

Il est 11 heures ce matin et je songe au versé 19 du chapitre 20 du Deutéronome (le 5ème livre de la Torah) :

« Si tu fais un long siège pour t’emparer d’une ville avec laquelle tu es en guerre, tu ne détruiras point les arbres en y portant la hache, tu t’en nourriras et tu ne les abattras point; car l’arbre des champs est-il un homme pour être assiégé par toi ? »

L’appel des Nassar :

Déclaration de Sani Khoury, l’avocat de la famille Nassar concernant la destruction des arbres.

La famille Nassar mène un combat légal pour protéger sa terre et ses arbres depuis des années… Ils possèdent des titres de propriétés officiels depuis 1916.

Tout récemment les autorités militaires ont placé un avertissement sur la terre de la famille Nassar, déclarant que les arbres étaient plantés sur une terre appartenant à l’Etat et que, par conséquent, il s’agissait d’une intrusion illégale et qu’il fallait l’évacuer.

Le 12 mai 2014, la famille Nassar a déposé un recours auprès du tribunal militaire contre cette injonction et a établi clairement que la terre n’appartenait pas à l’Etat mais que les arbres étaient plantés sur la terre familiale. De plus, ils ont établi clairement que la cour suprême avait déclaré que la famille Nassar devait poursuivre le processus d’enregistrement de leur terre, que la famille essaie d’achever ce processus depuis des années mais que les autorités militaires israéliennes n’ont cessé de reporter la procédure, sans aucune explication.

Selon la loi israélienne, aucune démolition ni évacuation n’est permise à partir du moment où un recours est déposé et jusqu’à ce que le jugement soit rendu. En dépit du fait que le recours ait été déposé le 12 mai 2014 et qu’aucun jugement n’ait été rendu, les autorités militaires se sont précipitées le 19 mai 2014 pour détruire le terrain et arracher tous les arbres : 1500 arbres fruitiers, notamment des abricotiers.

Cette action est illégale, même du point de vue de la loi militaire draconienne en vigueur. Il a été conseillé à la famille Nassar de porter plainte pour demander la compensation de l’action illégale des autorités militaires.

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