Visite guidée du Hezbollah Park

Après deux heures de trajet depuis Beyrouth, nous voici parvenu en plein Sud Liban. Le mini-van descend une route sèche. La frontière n’est plus loin. Des panneaux annoncent le nouveau lieu le plus prisé des environs : Mleeta, musée de la résistance.

500.000 visiteurs en deux mois

À 1050 mètres d’altitude, au milieu de montagnes arides, un parking géant accueille les visiteurs qui arrivent par grappes sans se laisser rebuter par la canicule du mois d’août. Mleeta a ouvert ses portes à la fin du mois de mai dernier. Le choix de la date est symbolique : il s’agit du dixième anniversaire du retrait des troupes israéliennes du Sud du Liban. Après avoir été occupé par l’armée israélienne pendant la guerre civile libanaise à partir de 1982, le site, un des bastions du Hezbollah, a été en 2006 le théâtre de combats contre « l’Ennemi », appellation continuellement utilisée par les guides du musée, Israël n’étant pas reconnu par la « résistance » libanaise.

Le choix de la date est symbolique : il s’agit du dixième anniversaire du retrait des troupes israéliennes du Sud du Liban.

L’ambition du Hezbollah de faire un coup marketing est visible d’emblée : les touristes étrangers ont gratuitement à leur disposition une batterie de guides polyglottes, maîtrisant français, anglais, allemand, espagnol, perse ou arabe. Les fontaines à eau et les stands de snack pullulent. Le site doit être touristique, le Hezbollah dédiabolisé. Et le concept marche : notre guide nous annonce avec fierté dès le début de la visite que le musée aurait déjà été visité par quelques 500.000 visiteurs. Ce qui, malgré les 200.000 partisans libanais du Hezbollah, paraît exagéré.

Le « Disneyland des terroristes »

« Vous savez comment ils appellent Mleeta en Israël ? Le Disneyland des terroristes ! ». Notre guide raconte l’anecdote avec sérieux. « L’Ennemi » n’est pas un sujet de plaisanterie. Nous voici dans la pièce où trônent les reliques de l’occupation israélienne, fièrement épinglées sous verre. De la boîte de thon vide aux mitraillettes en passant par quelques bottines militaires : on nous invite à admirer le trésor du Hezbollah.

« L’Ennemi » n’est pas un sujet de plaisanterie.

Aux murs, le gros gibier : la structure détaillée de l’armée israélienne, affichée selon un organigramme de deux mètres sur trois. Le guide nomme avec excitation les noms des différents corps de l’armée et de ceux qui les dirigent. Pourquoi avoir rendu de telles informations publiques, si elles relèvent du secret militaire ? La réponse du guide fuse, sans nuance : « Pour montrer à tout le monde que le Hezbollah détient des informations précises sur l’armée de l’ennemi ». Le fait que l’organigramme n’ait pas été mis à jour depuis l’ouverture du musée ne semble pas soulever de question.

L’omniprésence de « l’Ennemi » dans la rhétorique de notre guide est frappante. À tel point qu’à la fin de cette première partie de visite, on ne sait plus s’il s’agit d’un musée consacré au Hezbollah ou à l’idéologie israélienne. « Il faut connaître son ennemi » ressasse le guide, comme pour se justifier. Comme dans toute propagande, l’adversaire est au centre et, sans lui, l’idéologie ne fonctionnerait pas. Sans la menace constante d’un conflit non plus.

Comme dans toute propagande, l’adversaire est au centre et, sans lui, l’idéologie ne fonctionnerait pas.

La première salle n’est rien à côté de l’ambition de ce qui suit. Une sculpture géante intitulée « L’abysse » fait la fierté des organisateurs. Les visiteurs en font lentement le tour avec une curiosité admirative. Dans une immense esplanade circulaire sont mis en scène des chars israéliens, symboliquement engloutis par le béton, sur un lit de pierres volcaniques, les pierres « les plus résistantes », précise le guide.

De grandes lettres de l’alphabet hébreu sont disposées ça et là : le message de menace est disposé en évidence, à l’intention de l’aviation israélienne. Pourtant, si des avions israéliens passent au-dessus du site, il est probable que ce soit pour le bombarder. Justement, cette possibilité ne semble pas déranger le Hezbollah, qui a investi plusieurs millions de dollars pour la construction de Mleeta. Une façon d’affirmer la confiance du « Parti de Dieu » dans sa propre force.

« La ligne de feu »

Après « L’abysse », les visiteurs sont invités à suivre un sentier escarpé à flanc de montagne, sans le guide cette fois. Premier arrêt : le lieu où l’ancien secrétaire général du Hezbollah, Abbas Moussaoui, venait se recueillir pour prier avant une opération contre Israël. À l’ombre des arbres secs, un tapis de prière, un AK-47 et un Coran entourent le portrait de Moussaoui. Éminent martyr, l’homme a été abattu par un missile israélien en 1992 avec sa femme et sa fille. C’est Hassan Nasrallah qui a pris sa succession à la tête du Hezbollah.

Des couloirs étroits et chauds, bordés de métal, ont été creusés sous la terre. Ici, une réserve d’armes. Là, une cuisine.

La descente se poursuit jusqu’à l’entrée d’un tunnel, où un panneau annonce « la ligne de feu ». Des couloirs étroits et chauds, bordés de métal, ont été creusés sous la terre. Ici, une réserve d’armes. Là, une cuisine. Là encore, un bureau, au décor rudimentaire : sur une table en bois, une lampe à huile et une carte ; à côté, deux chaises et un ordinateur d’un autre âge. Des vestes kakis et des armes à feu pendent, accrochées à un mur.

Au détour d’un couloir, des portraits de référence : Moussaoui, encore, et les iraniens Khamenei et Khomeiny. Nasrallah a déclaré avoir été très influencé par ce dernier, qu’il aurait décrit comme « la personnalité la plus digne et la plus incontestable du XXème siècle ».

V pour victoire

Le temps est loin où, au Liban, le Hezbollah était associé à une bande de fanatiques, connue uniquement pour ses kidnappings d’étrangers et ses attentats suicide contre des cibles israéliennes et occidentales. Aujourd’hui, le parti est devenue l’entité politique la plus influente du pays. Mleeta en est la démonstration la plus éclatante. Leur secret ? L’infitah implémentée par Nasrallah, soit l’ouverture à la société libanaise et au système politique du pays, censée atténuer l’image menaçante du Hezbollah.

Aujourd’hui, le Hezbollah est devenue l’entité politique la plus influente du pays. Mleeta en est la démonstration la plus éclatante.

Après quelques virages encore, c’est la porte de sortie. Retour à la lumière brute. La vue époustouflante sur les montagnes environnantes est encadrée par les drapeaux du Hezbollah et du Liban. Ils flottent au sommet de deux grandes barres de métal qui symbolisent le V de la victoire. Des flancs de la montagne émane une impression de douce tranquillité. Mais jusqu’à quand ?

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